Le privilège cissexuel

Ce texte de Julia Serano constitue le chapitre 8 de son livre « Whipping girl, a transsexual woman on sexism and the scapegoating of femininity », paru en 2007. Il s’agit là de sa première édition publiée en français.

Dans son livre, Julia Serano part en partie de sa vie pour tirer une analyse politique féministe de la situation des femmes trans dans la société occidentale et les milieux féministes et LGBT. Elle défend la thèse que les femmes trans, avant de subir des formes évoluées de transphobie, sont le plus souvent les cibles du sexisme traditionnel et de la misogynie banale et parfois insidieuse qui sévit historiquement dans nos sociétés et milieux. Elle propose donc, avant de partir en guerre contre de nouveaux systèmes d’oppression, de revoir en profondeur nos rapports à la féminité et à sa (dé)valorisation. Elle propose de nouveaux cadres de réflexion, via une remise en cause radicale des comportements misogynes et des perceptions des féminités.

Dans ce chapitre, elle s’attarde sur les privilèges cissexuels ainsi que sur les mécanismes que les personnes cissexuelles mettent en place pour justifier et maintenir leurs privilèges. L’idée est de mettre en lumière un statut opprimant (en l’occurrence, le statut cis), pour l’étudier et en comprendre les fonctionnements. Ce qui permet, pour une fois, de ne pas placer les personnes transsexuelles comme objets d’étude, mais à l’inverse de mettre les personnes cissexuelles et leurs comportements sous la loupe d’une analyse matérialiste visant à questionner la norme.

http://infokiosques.net/spip.php?article884

On est quoi?

On est quoi quand on a pas toutes les réponses depuis l’enfance?
Quand on peut pas répondre aux personnes qui nous demande avec quels jouets on a joué?
Si aux Barbies et aux voitures on a préféré les Schtroumphs?
Si on sait pas trop ce que ça veut dire être une homme ou être une femme?
Si F ou M pareil, c est qu une lettre, qu’on voit pas qu’il faut un point de départ et un point d’arrivé?
On a l’air de faire chier tout le monde a pas savoir ou se percher.

Et si moi je te dis, pleine face camera, que j en ai rien a foutre de mon enfance, parce que d’une , je m’en souviens pas, et que deux, c’est pas ça le truc maintenant.
Ca me vaudra une psychanalyse?

Je passerais jamais sur TF1, NRJ 12, ou bien M6, j’ai pas les réponses toutes faites a tes questions, je suis peut être la minorité des minorité, la quantité négligeable, mais j’existe.
Ca fait bien chié hein que je la rammènne quand tout le monde a l air d accord pour décider que finalement les choses sont ordonnées, je suis le truc qui grippe la belle mécanique du monde qui s’ordonne pour suivre un chemin « naturel ».

Du haut de ta conscience politique t’as tout compris, t’as lu des bouquins (ou pas), enfin tu t’informes, tu lis le monde , t’as collé facilement le T a LGBT, c’était normal, tu te dis je suis contre toutes les discriminations. T’es super ouvert.

Et quand je te dis mon programme demain c’est d’aller a la poste, tu m’écoutes pas.
Quand je t’explique que je sais déjà que ça va me prendre la tête, tu crois que j’en rajoute. Evidemment ça pourrait bien se passer, facilement, discrètement, de manière fluide. Mais peut être pas.

Je me lève en pensant qu’a un moment, on va m interroger , qu’on va me regarder comme si j ‘étais pas possible ou comme si j’étais une blague ou un monstre de foire, au mieux comme la preuve que ce qu’on voit dans les reportages existe.
J’aimerais te dire que je vais être super fort tout le temps, hyper positif, et  assez patient pour être pédagogue a tout moment et avec tout le monde, sauf que je suis pas un super héros, des fois j’ai la tête dans le cul, des fois je veux juste que ça aille vite pour faire autre chose après.

Résultat, je vais angoisser avant, peut être pendant, je vais répondre a coté, et le pire c’est que je vais m’en vouloir.

En terme d’énergie, ça va me bouffer un moment, en plus au point ou j’en suis le fait d’être appellé au feminin va me filer une gerbe que j’arriverais pas a expedier avant la nuit.
Je sais pas vraiment ce que sont tes journées, mais arrête de relativiser les miennes.